Les deux moi

Je suis en dédicaces et je regarde la couverture de mon dernier livre, sorti il y a trois semaines.

Une photographie de moi me fait face, moi à seize ans. Nous nous observons.

Je viens d’en avoir soixante-treize ; je me reconnais. Je revois les complexes de cet adolescent qui fixe l’objectif, mal assuré : je n’ai jamais aimé que l’on me photographie.

Cinquante-sept années séparent les deux moments et pourtant…

Il est là avec deux amis, un Français et un Allemand, tous trois sur un vélo à l’arrêt, pied à terre. Deux vélos de femme et un d’homme.

Le cliché a été pris au bord de la route, devant chez moi. Il est bien sûr en noir et blanc. 1965…

Que d’années se sont écoulées ! Physiquement, pas mal de différences : des cheveux, la minceur. Des constantes : une oreille visible, légèrement décollée, un teint un peu coloré, un air un peu gauche qu’à présent je sais dissimuler.

Psychiquement, beaucoup de similitudes dans l’humeur, le tout travaillé et dompté par la vie. Pour « survivre », il a fallu faire avec ses manques.

Que sont devenus les deux camarades d’alors ? Je ne sais. La vie sépare les vies;

Jean-Luc, lui, paraît débonnaire, sûr de lui, comme je l’ai connu jadis. L’Allemand, rouquin — cela ne se voit pas sur la photo — regarde l’appareil, comme gêné par le soleil, une main sous le menton, ce qui lui donne un air perplexe.

C’était un instant de vie pris sur le vif, fixé à jamais.

Je regarde encore, souris et dis au moi d’en face : « Salut toi, ça a pas mal changé, hein ! »; Je repose le livre… et reviens au présent.

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