Voici deux poèmes qui auraient dû figurer dans mon recueil « Saisons poétiques en train » , paru en 2014 et qui va sous peu être réédité aux éditions Bernardiennes : il n’y figureront pas non plus, je les mets ici. Je viens de m’apercevoir qu’ils ont alors échappé à ma vigilance, comme à celle du premier éditeur !
SPECTATRAIN NOCTITRAIN
Train de nuit, lent trait orangé.
Monde extérieur gommé.
Obscurité.
Les vitres noires reflètent des ombres de visages :
Les nôtres !
Le tien te semble presque étranger.
Dans les campagnes ennoirées
Quelques brûlots, lampadaires égarés.
Sifflement du convoi. Il approche d’une gare,
Moteurs quasi coupés ;
Semblant de vie aux néons sales, blanc cassé.
Passagers taciturnes qu’on dirait accablés,
Plus tôt levés, harassés, inquiets du retour.
Jour de grève. RER C.
Un pont. En bas on devine un carrefour.
Blanc, rouge, orange, en pointillés ;
Les voitures, elles, restent cachées.
Le feu tricolore est vert,
Avec le rouge touche de gaieté.
Bientôt les fêtes, la fin d’année.
NOUVEAU JOUR ORDINAIRE, EN TRAIN
Après le vif, étonnant été de septembre,
Enjambant les douceurs d’octobre,
Indécises à lâcher, mais plus sobres,
Voici, presque conforme à l’attente, novembre.
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Il ennuite mon train, fort peu avant le jour,
Glace la vitre qui à son tour fraîchit ma joue,
Rend même – oh, à peine – le bras comme gourd,
Et, invariante, l’aube de la noirceur se joue
Quand, sûre d’elle, subreptice, elle point,
Inversant l’image de la sécuriglace :
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À mon reflet estompé le monde fait place.
Il prend corps lentement, émergeant là, au loin,
Puis plus près le voilà qui tout entier s’en vient.
Obscurité s’est faite pénombre ;
En dégradés subtils c’est toute la nuit qui sombre.
Les objets et les êtres veulent sortir de l’ombre ;
Tous s’affirment, envahissent, tant est si grand leur nombre.
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La clarté un peu faible en saison de brouillard
A néanmoins gagné sur la nuit qui s’égare.
Les arbres, à l’oeil, verdissent :
de l’hiver ce ne sont encore que prémices.
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L’éclat mat du rail avoisinant
Attire mes regards, spectacle fascinant.
Il trace une ligne ferme et continue
Qui me sépare du monde, de sa cohue.
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Je contemple les inconnus qui m’entourent,
Somnolents, peu diserts ou lisants, occupant le répit
Amoindri qui, inexorable, au travail les conduit.
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Ils s’agitent soudain, se lèvent lourds,
Accélèrent,voire courent,
C’est la station, la leur, ils agissent ;
Ils descendent, se pressent, pour que tout s’accomplisse.
ERRATUM : le second est bien dans le recueil ; désolé !