Un malaise inattendu

woman sitting holding smartphone between two men and two women
Photo de rawpixel.com sur Pexels.com

[extrait de « Saisons poétiques en train » (éd. Bernardiennes)]

   Ce matin, aux stations, le train s’arrête beaucoup plus longuement que d’ordinaire. D’interminables minutes. Et c’est l’anormal, le figé. Comme si la vie était sortie de son lit.
Chez les voyageurs on devine alors une sorte de sourd malaise. On se regarde furtivement ; après tout, on ne se connaît pas. On pense pourtant à peu près la même chose. Vite détourner les yeux. Comme si de rien.
Se réfugier dans la normalité de l’indifférence. Pourtant, l’extra-ordinaire nous amène aux bords de l’humanité. Il s’en faudrait de peu pour.
Ce malaise va au-delà de la crainte du patron, bientôt furieux du retard. Dans le non-dit général c’est la vie qui s’enlise, prend en gelée. Les cerveaux sont soudain envahis par l’obligation de penser. Quel scandale ! Il était si commode de se laisser porter par le train-train, d’ « être vécu » en quelque sorte, plutôt que de vivre. Nous revoici sujets !
La fraternité, depuis longtemps battue en brèche, est sur le point de revenir. On pourrait presque se parler, je ne veux pas dire faire semblant, émettre des sons creux, paraître, se protéger, briller mais se parler vraiment .


Eh bien non, l’incident est réglé, le train reprend sa marche normale ; les gens peuvent à nouveau, dans la promiscuité, s’ignorer tranquillement. On l’a échappé belle ! Moi compris.Il est de ces dérisions ordinaires…

2 réflexions sur “Un malaise inattendu

  1. Hélas bien vu, mon cher Claude… Depuis qu’on a les « réseaux sociaux », les gens se sont renfermés sur eux-mêmes… Nous y compris, sans doute…

    J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s