Exercice d’écriture
Thème : vous avez vingt ans et, la tête pleine de rêves, vous écrivez une lettre à celle que vous serez devenue à soixante ans.
(temps imparti 30 minutes ; j’ai dépassé de 2) – image pixabay : mohamed_hassan
Bonjour, Élodie,
J’entreprends aujourd’hui une démarche peu banale : je vais t’écrire une lettre que j’adresserai poste restante au bureau central de Paris, sixième. Tu devras aller l’y prendre, une fois que tu auras atteint tes soixante ans.
Tu seras sans doute surprise car, en fait, c’est toi-même qui te l’envoies, un toi-même ancien, âgé de vint ans, à savoir : moi ! Nous serons sûrement très différentes l’une de l’autre et tu pourras comparer ton chemin de vie à celui que j’imagine pour toi.
Déjà, j’espère que tu atteindras ce bel âge, ce qui donnera tout son sens à mon entreprise. Pour ma part, je pense qu’il y aura belle lurette que j’aurai oublié ce mot ; cela t’amusera sûrement de me le rappeler. Nous en rirons ensemble !
Je suis actuellement en situation difficile, comme tous les étudiants de ma génération. Avec cette calamiteuse Covid qui nous a frappés, nos cours en université sont devenus des plus intermittents et chaotiques. Je ne sais si je pourrai achever mon cursus et obtenir mon diplôme. Enfin, en tant qu’optimiste résolue, je crois que toi tu jouiras d’une retraité dorée, après une belle carrière d’écrivain à succès. Je sais que c’était ta passion et je ne doute pas que la chance t’aura souri.
Alors que nous, jeunes, galérons et nous interrogeons sur ce que sera notre future retraite, je suis persuadée que nos gouvernements auront redressé la barre, surfant sur la situation économique mondiale redevenue prospère à l’issue de ces nouvelles quarante glorieuses qui s’achèvent pour toi.
Pour ce qui est de moi, tu as su que ma vie sentimentale était pour l’heure un échec total. J’ai bien eu quelques flirts anodins, puis je suis tombée sur ce Jean-Luc, un homme qui m’a séduite et dont je suis tombée follement amoureuse.
Hélas, il était coureur, menteur et m’a assez vite plaquée pour une autre, mais il m’a laissé un joli cadeau d’adieu, le sida.
Je dois aujourd’hui encore prendre une trithérapie, mais elle devient moins éprouvante depuis l’an dernier car la science poursuit ses progrès.
Je crois savoir que toi, à soixante ans, tu auras recouvré une parfaite santé grâce au vaccin que nos chercheurs auront trouvé entre-temps. J’en suis très heureuse pour toi ; crois-moi, ce n’est pas qu’une formule. J’aimerais, à ton âge, être aussi en forme que tu l’es. Tu es encore une belle femme séduisante et j’imagine ton bonheur auprès d’un compagnon ou mari gentil et attentionné.
Je l’aurais mérité aussi, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui. Je me réjouis de te savoir heureuse et à l’abri du besoin, grâce à ton admirable carrière. Je t’envie néanmoins un peu car à l’heure actuelle, je ne sais trop comment boucler mon budget chaque mois.
Post-scriptum : il est inutile de répondre par écrit à cette lettre car, vois-tu, tu me raconteras ta vie directement, au creux de l’oreille. J’espère bien, en effet, à soixante ans, moi aussi ne faire qu’un (ou qu’une) avec toi.
Pour le moment, du haut de mes vingt printemps, je te souhaite encore une quarantaine ou plus de très belles années et, en tout cas, une très longue vie, aussi comblée que celle qui est la tienne aujourd’hui.
Ton Élodie qui t’aime énormément et te serre dans ses bras,
Didie