Lecture : Travers de routes, de Damien Personnaz

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Éditions de la Rémanence, collection Traces.

 La quatrième de couverture :

 Des premiers voyages d un jeune homme curieux au témoignage d un humanitaire en proie au doute, à l’ impuissance et à l’ euphorie, ces huit récits relatent des instants marquants d une vie ordinaire de terrain dans des pays bouleversés (Rwanda, Libéria, Erythrée, Angola, Kurdistan turc, Afrique du sud, Pakistan). Si certaines anecdotes portent à sourire, les faits vécus ébranlent profondément le lecteur au fur et à mesure que tombent ses illusions ; l auteur prévenant dès le départ que « voyager, c est voir le monde tel qu il est et non pas comme on voudrait qu il soit ». Tant dans la force des émotions qu’ il véhicule et des réflexions qu’ il engage, que dans l’ écriture qui permet de les révéler ; Travers de routes est un livre remarquable, de ceux dont les lecteurs resteront imprégnés, irrémédiablement.

Damien Personnaz est un journaliste, écrivain et géographe franco-suisse. Après des études de géographie tropicale à Bordeaux et de géopolitique à Genève,…/ il devient journaliste dans un quotidien genevois avant de s engager pendant plus de vingt ans auprès de la Croix-Rouge internationale et de l’ UNICEF, en Afrique, en Asie et en Europe. Passionné d îles lointaines, difficiles d accès et peu connues, il est l auteur de Sept oasis des mers (2008) et de Cinq petits mondes (2013). Travers de route est le premier de ses ouvrages consacré à son expérience humanitaire.

Mon avis : un livre terrible et beau.

Il commence, l’air de rien, par une remarquable préface de l’auteur dissertant en quelque sorte sur l’art de la nuance.

Bientôt viennent les premières émotions, encore anodines – ou presque en regard de ce qui va suivre – comme la scène le l’adieu contraint au chien ami.

Puis on s’enfonce dans la misère des pays en guerre – civile ou pas. Ironie du vocabulaire car il n’est pas du tout question de civilités. Le narrateur perd peu à peu la plupart de ses illusions sur l’Humain, au vu de l’inhumain dont seul ce dernier est capable. On ressent avec lui le désarroi devant l’impuissance, la lâcheté obligée… Ce sont les illusions perdues et parfois brièvement retrouvées, comme quand l’honnêteté jaillit, contre toute attente, du plus extrême dénuement.

On lit ici des passages effroyables et l’on imagine un peu ce que cela a dû être de vivre ces scènes. On songe alors au nanti que l’on est, contraint de palper ici les misères du monde.

Souvent des phrases nous interpellent : Nos émotions sont déséquilibrées, nous passons du rire aux larmes. Chaque jour nous perdons un peu plus nos repères. Nous vivons sans boussole, heure après heure. J’ai noté aussi le passage sur la survie qui sacralise la loi du plus fort. Et, entre autres, cet extrait, vers la fin, sans concession envers soi-même : mais oui, j’ai aimé ma « mission » au milieu de ces jeunes tueurs, ces coupeurs de routes, ces estropiés. Le mythe du Blanc éclairé, hyperactif, l’air soucieux, qui sauve le monde a la vie dure. La vérité, c’est que le bon Blanc prend son pied.

Pour finir, un mot sur l’écriture : belle, sincère, vivante et surtout, surtout légère, en contrepoint de cette thématique bien lourde. À lire, sans modération.

Paru en octobre 2014 aux éditions de la Rémanence.

4 réflexions sur “Lecture : Travers de routes, de Damien Personnaz

  1. Je vous recommande la très belle collection « Traces » qui m’a fait l’honneur d’accepter mon récit, édité en ouverture de collection, « Chemins croisés ». J’y ai lu deux magnifiques livres, celui-ci et celui d’Odile lecouteux (voir article sur ce blog).

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  2. J’ai lu ce livre moi aussi et ai été prise par l’envoûtement de l’humanitaire, sa malédiction aussi… Je n’ai certainement pas « compris » mais mieux approché toute cette inépuisable souffrance

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